SOFT MACHINE I THIRD I 6 juin 1970





Daniel Théron, alias Melmoth a.k.a. Dashiell Hedayat sans oublier Jack Alain Léger voire même Eve Saint-Roch et enfin Paul Smaïl, troublants schizophrènes aux perfectos malsains, rédigèrent à l'été 1970 la chronique définitive de THIRD. Par fénéantise, admiration et jalousie mêlées, je vous laisse le soin de l'apprendre par coeur à vos enfants. Qui la trouveront sans doute un peu pompeuse, j'en conviens. Mais quand même. Aussi, vous trouverez des commentaires pour les aider à s'y retrouver tout en leur rendant la lecture encore plus pénible.


" Le bruit. Là, depuis toujours. À votre oreille ONE. Pourtant vous ne l’avez jamais écoutéTWO. Les fredonnements incertaines – hésités, cassés puis repris – la voix blanche: débris de refrains, coq à l’âne de comptines à moitié oubliées, lania lanières à tue-tête ou chuchotées, « pour rien » dites-vous, sinon à éclairer le noir des couloirs THIRD, à rameuter les rêves et avec les sommeil. Écoutez les rêves, passez de l’autre côté du miroir FOURTH. De là votre regard étonné FIFTH va découvrir l’impensable beauté : le bruit et la musique sont une seule et même chose, votre chant-bas est aussi bien un « beau » chant (bel canto) SIX. Dada l’avait dit, lorsqu’il était là (au second disque) SEVEN mais en parler c’était encore faire confiance aux mots – donc d’une certaine façon à la Kultur EIGHTSeule la musique par sa propre convulsion (belle) pouvait nous livrer le secret de son origine : qu’elle ne que bruit NINE. « Facelift » TENTH non pas ascension de la musique vers la lumière, mais convulsion du bruit « devenu » musique. « Devenu » par la magie dérisoire d’un mot. Où finit le bruit, où commence la musique ? Où le jour, où la nuit ? Wyatt sous les lueurs blafardes de juin « Moon in june » en muezzin ELEVEN. La voix blanche a hésité d’une psalmodie déchirée sur une question aussi dérisoire. À la faveur de la nuit nous libérons cette envie de chante que la Musique (celle qui s’écrit avec un grand M) TWELVE nous interdit. À la faveur des rêves (tout le monde chante comme Wyatt, la beauté est partout, en vous, par vous, et qu’importe la lumière et l’ombre, le beau et le laid). Subversion de/par la musique. Depuis toujours que vous chantez ; ce n’était pas pour « rien ». Depuis toujours qu’il y a du bruit. Mais le voyant (celui qui vous a donné à voir) se damne par son projet même ; là fît sa souffrance : (contradiction insurmontable) que SA musique recule les limites de LA musique THIRTEENTH. À peine (depuis) toujours, « Slightly all the time » Ascension vers la lumière. Zarathoustra nous a dit que là est une façon de bonheur et l’Orient est une libération par la répétitif FOURTEEN. À peine toujours. Les enfants prennent plaisir à se regarder pleurer à un miroir – oublié pourquoi ils pleuraient. Le malaise cependant persiste – sans doute la présence signalée par le texte intérieur de « Noisette », fruit ou couleur mais plus sûrement petit bruit FIFTEEN. Inaudible. Là, pourtant. Sans doute pour casser le dernier accord ; le changer en ce hurlement grotesque par quoi tout le calme de cette plageSIXTEEN bascule soudain vers le cauchemar, la colère blanche « Out-bloody rageous » SEVENTEEN d’être impuissant à dépasser l’indépassable contradiction, à transformer le monde – « bruit » - en un monde sa composition – à changer la vie. Retour obsédant du bruit sur lequel les musiciens qui se sont crus un instant des Dieux EIGHTEEN doivent à nouveau PLAQUER (coller) leur musique. Avec ses distinctions imbéciles, ses garde-FOUS, la Kultur reprend ses droits. La musique – blanche de colère – n’a plus qu’à s’autodétruire dans l’espoir (« Hope for Hapiness ») qu’un jour l’art aura le goût de la vie. C’est-à-dire que seule la vie sera pensable NINETEEN« Le plaisir limité de se détruire risque fort de détruire en fin de compte le pouvoir qui le limite ». R. Vaneigem TWENTIETH… Constat d’échec – réussite de cette musique. Schoenberg (une autre série est possible), Webern TWENTY1ST (toute série est possible), Cage (tout son) TWENTYTWO, Coltrane (toute musique est vous – solo – votre voix), les Beatles (tout flonflon est beau), Sun Ra (la musique est ascension vers la lumière)… third, cette ascension même. Flash, c’est-à-dire image-idée-convulsion. Date dans l’histoire de la musique, si date avait encore un sens. 
Je laisse aux flics de Melody Maker TWENTY3rd le soin de vous expliquer que Wyatt n’a pas une belle voix (parce que « blanche » - ? – sans doute TWENTY4) et à quelques autres les influences de Coltrane sur le jeu de Dean (plus utile eût été de nous montrer à quel point le jeu de Dean est plus précis, plus « mescalin » que celui de Coltrane – chaleur élastique qui étreint TWENTY5), de Terry Riley TWENTY 6 sur le traitement des sons par Hopper (or chez Riley la question de la situation du musicien par rapport au matériau sonore est pose différemment). Et encore quelques sujets de dissertation pour vous : le soft machine et Dada, – l’Orient –, Brech-Weill (Alabama-Song TWENTY7 in Moon in June), Sly & Family Stone TWENTY8, - Platon (conscient inconscient chez Ratledge) TWENTYNINE, - l’Acide (in friends : « notre musique est à l’attention des défoncés »)… commentez et discutez. Je hais les critiques et leur prétention à montrer quand ils dissimulent. Ils n’écouteront pas Third. Sur leurs tombes nous écrirons : « Morts de beauté violente ». En avant le SOFT POWER" THIRTY. 

Melmoth, Rock & Folk, n° 43, Août 1970.









ONE Celles de la couverture de Revolver rapport au manifeste drone Tomorrow Never Knows ? Ou la fin de celle de Robert (Las Vegas Tango)?
TWO Car vous êtes un peu con, tout de même, suggère-t-il, les Beatles n'ont rien "inventé" (cf. infra). Dashiell compte bien se poser en révélateur de conscience, ce chaman boudiné qui indique, torché, la voie de la sagesse. Il fait partie de ces initiés, amoureux primaires transis d'expérimentation platonique; ce qui lui permettra, en son nom et celui de Soft, de percuter sans retenue les réactionnaires du Melody Maker (cf.TWENTY THIRD).
THIRD "Just along the corridor" (cf. infra, Moon in June at the Peel's sessions)
FOURTH Lewis, c'était pas obligé. Sauf à considérer qu'il est l'un des premiers exemples de Soft Power -cf. THIRTY-, en quel cas, la boucle est admirablement bouclée.
FIFTH Toujours sympa de traiter le lecteur de sombre puceau.
SIX Disons même haute-contre, quitte à filer ce type de digression lestée de plomb.
SEVEN Dada fue aqui.
EIGHT Apparemment, une référence herderienne pour faire le malin.
NINE Brillante formule où l'omission du verbe patabruitise la découverte de l'apparent secret: Mike a des pédales dans les doigts !
TENTH Selon Le Petit Hugh: "Lifting réciproque des sons concourant à nouveau au thème final relooppé. Mais dans l'autre sens."
ELEVEN Petite trouvaille allitérative, plus recherchée que "Wyatt il envoie des watts", par exemple.
TWELVE Même au second degré, ça craint.
THIRTEENTH Pourquoi entreprendre un si brillant exposé pour achever sur la définition la plus convenue (mais aussi la seule viable) du rock progressif ?
FOURTEEN force-aimant [fɔrsemɑ̃].
FIFTEEN Petit bruit d'une souris piégée dans sa Mousetrap.
SIXTEEN Cette plage calme, qui, il y a quelques lignes, était qualifiée d' "Ascension vers la lumière" ?!?
SEVENTEEN Alors que Noisette s'enchaîne pourtant avec Moon in June...
EIGHTEEN Grâce à la plénipotentiaire capture.
NINETEEN Nietzche, in Le Crépuscule des idoles, 1888 : « Les jugements, les jugements de valeur sur la vie, pour ou contre, ne peuvent finalement jamais être vrais : ils ne valent que comme symptômes, ils n’entrent en ligne de compte que comme symptômes – en soi ces jugements ne sont que stupidités. Il faut absolument avancer les doigts et faire la tentative de saisir cette finesse étonnante : la valeur de la vie ne peut pas être évaluée. Ni par un vivant, car il est partie et même enjeu ; ni par un mort, pour une autre raison ».
TWENTIETH Tu connais pas Raoul ? Situationniste belge, in Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, XIII La Séparation, 1967.
TWENTY TWO "le silence est toujours sonore": 4'33''.
TWENTY 3rd S'il est vrai que l'enthousiasme attardé de Karl Dallas milite pour la dépénalisation des autodafés (SIX, décoré par ce fanzine de British Jazz Album of 1973 !), la dévotion de Richard William (pour qui Soft perd son âme au départ de Robert) ou de Michael Watts (suivi de la tournée hollandaise en 70) pondère le jugement de Melmoth sur la ligne éditoriale du magazine.
TWENTY 4 Sur ce point, l'histoire a pourtant montré que l'admiration (l'écho) croissante dont la voix de Robert fait l'objet, brièvement depuis O Caroline et violemment depuis Sea Song, est inversement proportionnelle à sa dégénérescence vocale (très progressive il est vrai).
TWENTY 5 Si le jeu de Dean apparaît, pour les léchouilleurs de peyotl, plus chirurgicale, c'est aussi car elle s'inscrit dans un cadre "nouveau", plus sophistiqué, plus "modalisé".
TWENTY 6  A Rainbow in Curved Air, bien sûr. Mais surtout: Persian Surgery Derviches, 1972.
TWENTY 7 Alabama song. Mouais, mais bon, depuis les Doors, ça fait partie des références adolescentes à éviter.
TWENTY 8 Pardon ?
TWENTYNINE Transgressions sonores (orgue fuzz) et esthétiques (lunettes sur cheveux/rideaux).
THIRTY Le Bleu le Bleu, Dashiell HEDAYAT, 1971. Poème "Soft Power". A ne pas confondre avec la théorie du Soft Power.


MOON IN JUNE (Third version)

On a dilemma between what I need 
and what I just want
Between your thighs I feel a sensation
How long can I resist the temptation?
I've got my bird, you've got your man
So who else do we need, really?
Now I'm here, I may as well put my other hand in yours
While we decide how far to go and if we've got time to do it now
And if it's half as good for you as it is for me
Then you won't mind if we lie down for a while,
just for a while
Till all the thing I want is need
You are the thing I are, I knew


I wanted yooooooou
I can still remember
more than ever now
The last time we played on Top Gear
We're on the floor, and you want more, 
and I feel almost sure
(...)
That cause now we've agreed, 
And though each little song
that we got what we need
Was less than three minutes long
Then all the thing us needs is wanting
Mike squeezed a solo in... somehow
I realized when I saw you last
And although we like our longer tunes
We've been together now and then
It seemed polite to cut them down
From time to time - just here and there
To little bits - they might be hits
Who gives an... after all?
Now I know how it feels 
from my hair to my heels
Tell me how would you feel
In the place of John Peel?
To have you haunt the horns of my dilemma
You just can't please all of the musicians all the time

- Oh! Wait a minute! - Over - Up - Over - Up - ... Down
Down - Over - Up - Over - ... Up 
(...)

Living can be lovely, here in New York State
Playing now is lovely, here in the BBC
Ah, but I wish that I were home
And I wish I were home again
We're free to play almost as long and as loud
As a jazz group, or an orchestra on Radio Three
were back home again, home again, 
were back home again, home again
(...)
There are places and people
There are dancehalls and theatres
that I'm so glad to have seen
With acoustics worse than here
Ah, but I miss the trees, and I wish I were home again
Not forgetting the extra facilities
Such as the tea machine, just along the corridor
Back home again home again back home again
(...)
The sun shines here all summer
So to all our mates like Kevin,
Its nice cause you can get quite brown
Caravan, the old Pink Floyd
Ah, but I miss the rain - ticky tacky ticky
Allow me to recommend 'Top Gear'
And I wish that I were home again - home again, home again...
Despite its extraordinary name
Living is easy here in New York State State
Yes, playing, playing now is lovely, here in the BBC
Ah, but I wish that IIIIIIII were home again
Back in West Dulwich again
We're free to play almost as long and as loud
As the foreign language classes... and the John Cage interview...
and the jazz groups... and the orchestras on Radio 3
(...)
Pop stars drink each others' wine plough each others' earth
Hoping for companionship and then perhaps rebirth
Plant seeds in fresher plots of earth
6'15 Just before we go on to the next part of our song
Bound up in concepts and dreams
And fears of worse things to come
Let's all make sure we've got the time
They never do, they stay the same
Music-making still performs the normal functions -
background noise for people scheming, seducing, revolting and teaching
That's all right by me, don't think that I'm complaining
After all, it's only leisure time, isn't it?
idem
Now I love your eyes - see how the time flies
I could almost sing this song
In a nice tone of voice
If I had to, I'd be glad to

She's learning to hate, but it's just too late for me 

It was the same with her love It just wasn't enough for me
It's awfully nice to be here
So let's open the beers and get tipsy
We'd be mad to
But if you sound refined
You just can't blow the mind of a kiddy
Or a young lady




And if you come from the sun
You just can't fool a mum into thinking
That you're alright, really



But before this feeling dies

Remember how distance tells us lies 
So before this feeling dies
Remember, I could be telling lies

You can almost see her eyes, is it me she despises or you?



Now, I love your eyes 

You're awfully nice to me and I'm sure you can see what her game is 

See how the time flies

She sees you in her place, just as if it's a race

I think it's so great You seem to change your fate
And you're winning, and you're winning
By working and playing

She just can't undertsand that for me everything's just beginning

Something new in every way Can be yours in a day

Until I get more homesick

But I wonder what I'm really saying
So before this feeling dies, 
remember how distance tells us lies...


So just before this feeling dies
Remember I may be telling lies

Falsehoods
White lies
Adverts
Idle chat
Banter
Half-truths
Rumours
And just lies, plain lies...


I shan't say...
One more word...
So instead... I'll play drums...



Mike RATLEDGE
piano électrique Hohner, orgue Lowrey, piano
Hugh HOPPER
basse, basse fuzz
Robert WYATT
batterie, chant
sur Moon In June: orgue Hammond, piano électrique Hohner, piano, basse 
Elton DEAN
saxophone alto, saxello

accompagnés par

Lyn DOBSON
saxophone soprano, flûte sur Facelift
Jimmy HASTINGS
flûte, clarinette basse sur Slighty All The Time
Rab SPALL
violon sur Moon In June
Nick EVANS
trombone sur Out-Bloody-Rageous
John HAYS
Cover Design


FACELIFT - Hopper

SLIGHTLY ALL THE TIME
Mousetrap (extrait) - 8' - Ratledge
Noisette - 12' - Hopper
Backwards - 12'45 - Ratledge
Noisette (reprise) - 17'50 - Hopper

MOON IN JUNE - Wyatt

OUT-BLOODY-RAGEOUS - Ratledge






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